Affichage des articles dont le libellé est Proposition de Loi. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Proposition de Loi. Afficher tous les articles

24 novembre 2022

EXPLICATION DE TEXTE

Edouard MANET

Très tôt (classe de seconde), on apprend à nos têtes blondes le difficile exercice de l'explication de textes, une discipline qui requiert rigueur, connaissance des outils d’analyse et de l’objet de l’étude, esprit critique. Malheureusement, la plupart d’entre nous s’empresse d’oublier ce précieux apprentissage, comme on s’empresse d’oublier -par exemple en mathématiques- l’étude des fonctions (logarithmes, etc.).

C’est fort dommage car si l’on utilise peu au quotidien les fonctions affines ou exponentielles (mais elles sont omniprésentes dans tout notre environnement), l’analyse et le commentaire rigoureux des messages demeurent fondamentaux pour appréhender lucidement notre monde.

Livrons nous à l’exercice avec délectation, d’autant que la PROPOSITION DE LOI visant à abolir la corrida : un petit pas pour l’animal,un grand pas pour l’humanité comporte de nombreuses et magnificentes perles dignes de demeurer dans les annales.


En apéritif, débutons par l’exergue un petit pas pour l’animal, un grand pas pour l’humanité») un tantinet grandiloquente, pour ne pas dire grotesque. On imagine avec délice Aymeric CARON montant à la tribune de l’Assemblée en astronaute de l’animalisme, façon Bogdanov, barbe façon Lincoln abolissant l’esclavage, se risquant avec bravitude au pas décisif de changer le destin de l’humanité. Tout un programme…

Car «abolir» n’est pas un mot neutre, ce n’est pas «interdire». Dés l’origine ce terme à la consonance extrême porte les sens de détruire, d’anéantir, d’annihiler. Abolir, c’est anathémiser, c’est à dire éradiquer non seulement l’existence mais jusqu’à la mémoire (Le Sénat romain, par senatus-consulte, abolissait la mémoire de quelqu’un, ce qui entraînait la radiation de son nom de tous les documents et monuments officiels.). Monsieur Caron confirme ainsi son appartenance à cette engeance qui veut édifier l’«homme nouveau», l’homo véganicus, mettre à bas les statues, révolutionner les mœurs, faire du passé table rase.


L’exposé des motifs embraye benoîtement sur la citation d’un phare de la pensée, d’un poète immortel: Francis Cabrel, un aimable baladin certes, mais qui ne justifie en rien une exégèse.

On a les références culturelles qu’on peut et il n’est pas anodin que Monsieur CARON n’ait trouvé pour illustrer son propos que l’indigence pitoyable d’un rimailleur à deux sous (MA CABANE AU FOND DU JARDIN (Laurent Gerra), MAUVAISE NOUVELLE (Laurent Gerra)) qui manie ce degré zéro de la pensée rudimentaire et magique qu’est l’anthropomorphisme. Pourtant faut-il s’étonner d'un tel choix , le «poète» étant traité dans les programmes scolaires (La corrida)?

Se faisant animal, Cabrel ne parvient qu’à être bête. Bête et méchant, stupide, ignorant et agressif, se rabaissant au niveau même de ce qu’il prétend dénoncer. Mais qu’importe, cela peut émouvoir dans les chaumières, c’est surtout ce qui compte pour la démagogie caronienne.


S’ensuit un salmigondis de platitudes, d’inexactitudes et une réflexion d’une profondeur abyssale sur l’art dont l’alpha et l’omega serait la chanson de Francis Cabrel, sur laquelle notre bon Aymeric semble nous faire une sacrée fixette.

Lorsqu’il assène sans moufter: «L’art, le vrai, génère des œuvres où l’imagination et la technique servent la part la plus habile de l’âme humaine.[...] L’œuvre transperce, mais elle ne tue personne, et ce n’est pas un détail. Car si l’art n’a pas à être moral, il ne peut reposer sur un acte immoral réprouvé par la loi.», une affirmation sommaire qui suffirait seule à le disqualifier, Monsieur Aymeric CARON, dans son hybris, se rend-il encore compte des âneries (encore un animal…) qu’il braie à la chaîne? A t-il lu Baudelaire, Sade, Apollinaire?

A ce train, Goya, Delacroix, Manet, Gautier, Dumas, Mérimée, De Falla, Lorca, Picasso, Cocteau, Dali, Hemingway, et consorts auront-ils bientôt droit aux outrages de la «déconstruction» animalisteTout cela sent le fagot, celui des «bûchers des vanités» de Savonarole ou des autodafés d’art «dégénéré».

Derechef, notre Himalaya du savoir continue sa submersion en eaux troubles en démontrant qu’il ne connaît pas le sujet dont il parle: «Le troisième tercio est celui de la mise à mort qui commence par l’estocade au cours de laquelle une épée transperce le corps de l’animal jusqu’à la cage thoracique, saccageant nerfs et organes.». A moins qu’il ne s’agisse d’évoquer que ce qui peut choquer et d’«omettre» ce qui pourrait plaire.

Suit le sempiternel chapitre sur l’exception inadmissible que constituerait la tauromachie par rapport à la loi commune. Ayant témoigné de son inculture artistique, Aymeric Caron s’attache à étaler son inculture politique et institutionnelle. Oui, Monsieur Caron, la République Française, bonne fille, admet de nombreuses exceptions à la loi, depuis celles concernant la loi de 1905 sur la laïcité, jusqu’à la notion même «d’exception culturelle» (ou de «diversité culturelle») invoquée à l’initiative de notre pays  pour l’instauration d’un statut spécial pour les œuvres et la production audiovisuelles visant à les protéger des règles commerciales de libre-échange.

Au passage, un petit couplet fleurant discrètement la xénophobie («La corrida n’est en rien une tradition française, mais espagnole.»), suivie d’une contrevérité historique («Elle n’est arrivée en France qu’en 1853, pour faire plaisir à Eugénie de Montijo, l’épouse andalouse1 de Napoléon III.»). Peut-être faudrait-il rappeler que la corrida a plus d’ancienneté en France que nombre d’activités sportives ou culturelles d’origine étrangère, du football au jazz, du tennis au raï, du hamburger au couscous…

Puis l'on continue de ronronner sur le thème des subventions publiques et le marronnier des sondages, dont on sait la fiabilité et les réponses induites par les questions de ceux qui les commanditent. Un seul fait sans appel: 490.074 voix et 2,16 % des suffrages exprimés en faveur du Parti animaliste aux législatives 2022, un score qui tue, mais pas à l’arme blanche…

Final sur les pays qui interdisent la corrida en oubliant -entre autres- le Vatican, San Marin, Sealand, Nauru ou le Lichteinstein, mais en citant à tort la Catalogne (qui n’est pas un pays) et le Mexique (où l’affaire est en cours). On notera tout de même que les nations évoquées n’étaient pas (ou ne ne sont toujours pas comme Cuba) des démocraties philanthropiques lorsqu’elles ont prohibé la corrida.

Et de conclure sur l’énonciation de la vulgate animaliste «nous ferons un pas historique en faveur des droits des animaux et par là-même en faveur de notre humanité.». Le pas de l'oie, sans doute!

Pour résumer, un piètre plaidoyer d’un piètre orateur, avec de piètres arguments.

Et si l’on changeait de chanson?: Gilbert BECAUD "La corrida"

1- Eugénie de Montijo est fille du Comte de Teba, un extremeño, «afrancesado», c’est à dire progressiste et rallié à la France du Premier Empire et de son épouse née Kirkpatrick de Closeburn y de Grévignée (originaire de l’aristocratie écossaise), un nom très andalou!

«T'en fais, pas mon p’tit loup »

Dernier chapitre sur la problématique générale du «p’tit loup». A partir d’éléments factuels et chiffrés, on constate l’ineptie d’un Plan lo...